
Poésies Jean-Luc OTT
TRANSPORTE PAR LA VAGUE
Extraits
1.
Vois ici bruisse l’eau
des mémoires accumulées
L’eau mène son murmure
entre les pieds profonds des plantes flottantes
Ici nos bouches ont éternelle faim
de verbe et d’air de chairs vives
et lisses de combats et de lenteur
Elles chantent parmi les dunes friables comme
les pontons dans le brouillard
Tout le monde sait et personne ne rapporte
rien de ce qui est propre à la vie
aux limites assignées quelle qu’en soit la forme
molle ou dure pensée ou qui pense par elle-même
Quel âge lui donner ?
Depuis la primitive cellule jusqu’à celle
souffrant d’arborescente illusion
Ne s’élève aucune parole digne
de cette condition
Ici il n’y a que l’eau qui bruisse
et le vent qui circule entre les murs.
2.
S’il était là je lui dirais juste ce qu’il faut
et tout rentrerait dans l’ordre des choses
comme sinue la course de l’eau
Rien ne serait comme avant dans les rêves
de rêves il n’est pas question
car les rêves ne sont jamais qu’incontrôlable
matière
Pourquoi se sentir désigné ?
L’agneau porté comme un buisson ardent
sur l’épaule
Être plus qu’un fétu de paille
qu’ivre de jeunesse tu apportas
Être l’objet même celui qui balance au gré
du désir et de l’assouvissement
un corps livré totalement à la vie
À toi non plus je n’ai pas dit l’essentiel
qui fait l’humanité sous la chair
qui est d’aller en fratrie où nous allons
qui est d’aller ensemble au-delà de la lumière
Ne rien oublier me rassure m’ancre
en toi de manière pacifique
comme la clarté suspendue
aux feuilles nouvelles de la forêt
3.
Tout le monde sait
et apprend à se taire
La terre se tait comme le ciel enveloppant
toute vérité dans l’immensité de ses recoins
Les racines ont fait souche où
Les sources se taisent dans leurs replis
de broussailles et de roches pesantes
et toi plus que jamais
Tout sentiment finit par se taire
Inutile de réveiller les paroles sans vie
Inutile de croire
que le feu peut prendre encore
Tu n’iras pas plus loin
je n’irai pas plus près
Tout amour peut disparaître
par la trop grande lumière
pareil à un rayon coincé
entre deux branches tendues
Entre deux corps tout amour
peut s’effacer.
4.
Les brouillards descendent les pentes
d’autres montent des sols mouillés
se mêlent en un corps brumeux en reptation
Quelque chose se rappelle à moi
de l’ordre de l’animal
et disparaît
Que faut-il attendre de la vie ?
Sinon des formes de rêves en transparence
si réels qu’on croit les avoir touchés
Des coussins de mousse vert-tendre
pareils à des édredons gonflés dans les fermes
La marche n’est pas aisée
mais il y a quelque chose qui nous pousse
là-haut aimantée comme la foi
peut-être le silence où rien ne commence
et que rien ne termine
Peut-être seulement le fait d’exister
sur le rebord du monde visible
comme un brouillard rampant
comme une belette blanche.
5.
On ne sut que dire On ne sut que faire
la jeunesse est ivre d’amour non de savoir
En vrai la fraise n’est pas si sucrée mais elle répand
la même odeur de connivence qui s’incruste
en liseré jusque dans les chairs
sous les ongles rongés trop courts
Le soleil transperce la brume par rayons obliques
on dirait le regard nubile additionné d’eau
qui sortait de tes orbites volontaires
Il ne sert à rien de monter si haut
la mousse y est plus abondante mais plus rares
sont les bouleaux grégaires
J’entends leurs griefs
comme un vent timide dans mes oreilles
Puis une pluie fine de cendres forcément grises
s’invite jusque dans la bouche entrouverte
pour crisser
Ta voix n’y est plus il y a trop longtemps
que ses harmoniques ont glissé hors du temps
Si je me retourne en bas la plaine est indistincte
coulée dans des eaux opaques elle couve son tréfonds
à présent rien n’est sûr
pas même ce qui a été.
6.
Alors nous serons unis puisque c’est notre histoire
comme celle des ossements sous la pente des glacis
Quand on est couché sur la saillie s’élèvent
des collines vertes et jaunes des pâturages
des verdures aux mille fleurs – Ta force !
Il ne peut rien advenir vainqueurs
sans bataille que nous sommes
et le jour vint enfin comme un premier
matin du monde percer les côtes
de son javelot de lumière
Il a fallu vaincre pour exister
Comme on le répète à chaque fois
à ceux qui n’entendent que leur propre vérité
Maintenant ce n’est plus un rêve
maintenant nous labourons comme des rustres
trahissant labours et paysages
Vivre si brève que paraît la chose
nous semble encore insatisfaisant
Il se peut que l’on se réveille un jour
avec le temps compté la route finie
Alors qu’adviendra t-il de nos mots
et de nos rires ?
Des graviers lavés par les eaux des rives
des perles de verre brillantes qui s’usent
comme « des dragées en bouche » *.
* Piet LINCKEN
7.
Nuage pareil à une bouffée passagère
Il est venu et le plaisir est venu
avec sa grande machinerie
Mais le désir est sans fin
dans les interstices innombrables de mes pores
comme un vent qui court et ne s’arrête jamais
dans les feuilles enchevêtrées dans les nuages
qui se défroissent dans les plumes fascinantes
Le bras sur les yeux j’attends qu’arrive l’orage
cette sensation d’être heurté puis vidé
J’attends qu’il déverse sur moi sa substance
Mais rien n’arrive
Rien n’arrive jamais
D’attendre ne sert à rien il faut donner
plus que soi pour entendre le cœur battre
au même rythme que le sien
Comme une steppe arctique est livrée à son sort
Une immense tristesse envahit soudain
chacune de mes cellules
Les êtres ne grandissent pas comme on l’espère
se transforme en grandissant
deviennent ce qui suit
jamais ce qui précède
La pluie eût fait bouger mon bras
pour te regarder dans les yeux
pour savoir ce que tu as en dedans de toi
et ce que tu veux vraiment
faire de ce corps.
8.
Transporté par la vague de ce qui submerge
alors qu’il n’y a plus de collines ni de vals ni de sapins
qui fendent le ciel comme des fées caparaçonnées
Parfois un seul regard a ce pouvoir-là
bouleverse le visage à ne plus avoir la notion
de ce qui est présentable
tue la quiétude à tout jamais
Quand j’aurais voulu terminer ma tâche et ne plus
me reconnaître parmi les paysages insatiables
comme le démon restant entre les deux fleuves
brouillon de terre et chose informe - inachevé
comme au temps où tout était encore possible
et que le champ était si vaste et que l’inachèvement
était seulement par le début de quelque chose
qui sinue comme les calligraphies d’un papillon
Il arriverait bien quelque chose que je n’attendais pas
Alors que de part et d’autre du chemin
poussent des sanglots de vie et de joie
comme du blé semé ou de l’orge sauvage.
9.
La lumière sur les collines des taches sombres
de sapins hauts et étroits des pans entiers
laissés là inachevés
Un simple hasard me désigne comme devant être
Voilà qui nous corrompt dès le premier instant
comme le temps lui-même qui subitement
fait jaunir les feuilles et lever le vent
Voilà qui nous corrompt après nous avoir portés
haut vers les nues pareil au nuage résolu
qui pense sa route propice et sure
Je ne crois pas
Je ne crois pas qu’il faille voir plus que cela
plus qu’un simple déplacement d’air dans les cimes
Mais nous venus au même moment ?
Alors que le temps de la vie semble sans mesure
comme si nous n’attendions que cela
dans l’enchevêtrement de l’ignorance
comme si la tique suspendue au bout
de la feuille savait sa chute prochaine.
10.
Le vent glisse dans les branches
les nids désaffectés des corneilles sont grands
et très haut placés
Personne ne viendrait te chercher là-haut
Je te donne la jeunesse rayonnante l’existence
que nous n’aurons plus et y dépose
les corneilles parties comme des voleuses
pensant mon devoir accompli
Écrire est mon plaisir - Combler l’intervalle du temps
qui n’est que vide - Cela fait de nous des scènes
vivantes comme le Nil est bleu et le vol des canards
bruyant sur fond de mur peint
Et pourtant je ne peux rien pas même me hisser
au niveau des bois morts
Du passé je fais une page continue
pour toi qui n’as plus de main
Je te lis mes mots comme des paroles
dites pour toi qui n’as plus de bouche
Et je triche avec les faits
Mais il t’importe peu ce temps qui va
Toi qui n’as plus de chair
qui fécondes l’encâblure de mes rêves
comme ces rides sur l’eau
qui créent le vent.
11.
Les bœufs ne sont plus venus
peut-être que ce n’était qu’une illusion
une tristesse d’être là en plein champ
est comme anachronique
J’avais beau le savoir
la disparition est une langue
féroce de netteté
Pourquoi l’émotion ne disparaît-elle pas
avec la chose qui l’a produite ?
La mémoire des émotions est un seau sans faille
un œil gros par le trop plein de choses
non dites ou inaccessibles à la pensée
Je suis sûr de te reconnaître
même sans le son de ta voix
Si tu ne peux plus rien dire elle reste présente
comme une eau dormante regorge de vie
On ferme les yeux et si l’on ne se fait pas
piquer par un moustique on devine qui
remonte à la surface la bouche en avant
Comme une eau refuse de dormir
n’a pas d’an ni de son qui demeure
dans l’ordinaire de la pensée.
12.
Il n’est pas nécessaire d’aller au fond des choses
la surface lisse est parfois suffisante
personne ne nous apprend cela
Le doigt glisse sur la peau le nombril fait
une crevasse où vrille le désir à quoi bon dire
Là il faut croire que le chemin s’est arrêté
La main rencontre le trouble la broussaille
qui vient de l’abdomen où le souffle fait
un mouvement lent de fleuve profond
où le sentiment fait surface comme émerge
le son d’un corps qui sonne immédiatement
juste comme est juste ce qui existe
quelque-soit le prix que l’on donne à son vivant
On guette le miracle mais le miracle c’est nous
ainsi penchés en avant dans la grâce du semeur
il est réel il a pris corps l’ossature est posée
Le reste est affaire personnelle.
13.
Le vent dans les arbres n’est présence de rien
Il agite les feuilles simplement en passant
Je ne dois pas donner plus de sens
à ce sourire qui agite mon pouls
secoue les vagues successives de mon sang
Il ne faut pas que l’on dise que ma raison
s’égare
déjà qu’aujourd’hui n’est plus comme avant
et que le temps est suspendu comme à la venue
de quelque chose qui ne vient pas
comme avant l’orage lorsque toute la pression
s’abat d’un coup sur le corps
Maintenant qu’il est là il ne peut plus partir
Il éclaire comme une neige nouvelle
il tonne comme d’écarlates pigeons
foudroie
Que vais-je devenir ?
La lumière du matin que filtre le volet
n’est présence de rien
Un rayon passe entièrement
jusque sur le lit où je reste couché
et ce sourire est encore là
à travers les barreaux du bois.
15.
Il fallait imaginer quelque chose
comme à partir d’un socle de pied retrouvé
on imagine ce corps très beau
Courir dans les herbes hautes frôler
jeunesse poussière dorée ou insectes des mois
chauds ne s’arrêter qu’à bout de souffle
quand la vie se fait sentir en nous
d’une autre manière quand quelque chose
de plus grand que le souffle
ne se maîtrise qu’avec peine
Il fallait imaginer quelque chose de possible
dans tout cela une petite ville des gens
des gestes à faire qui remplissent l’existence
Mais rien de tout cela ne suffit plus
c’est de l’imagination pure
Être ailleurs et pleinement ici
Enfreindre la loi de la mémoire la tordre
laisser aux rêves une autre chance
pour éviter le vide de la consolation
respirer cet ailleurs et prendre appui
sur ce qui nous distingue toi et moi
et nous des autres
Ce n’est plus ni avant ni après
c’est le moment d’être s’offrant ainsi
qui est grandiose.
16.
À chaque peine on croit que le monde va s’arrêter
mais il ne bouge pas d’un iota
il roule sa bosse dans l’étendue du ciel
comme une baleine en pleine mer
À peine se déplace-t-elle s’ajuste s’invente
sans cesse et s’incruste puisque
c’est le propre du vivant que de mourir
À qui vais-je dire cela ? À pourrais-je le dire ?
Alors qu’aucun dialogue jamais ne s’engage
sur la poésie alors qu’elle-même glisse
vers le néant comme une planète sans vie
Tout ce qui est vivant contribue à la mort
Il faut t’en exclure mon dieu
puisque tu n’es ni vivant ni mort
puisque tu es seulement cette essence
qui précède toute chose nouvelle
Il suffit pour s’en convaincre de regarder
la pluie tomber celle qui forme des gouttes
sur les feuilles des arbres
pour qu’ils poussent plus haut.
17.
L’été traverse la forêt de son feu nourri
sans la moindre émotion il mâche ce qu’il peut
crée des couloirs de cendres jusqu’à nous
bientôt son panache impliquera le monde entier
On peut ne rien voir ne rien ressentir
et feindre l’indifférence
même en dérogeant on ne peut pas toujours
aller plus loin sans intérêt pour la chose
que l’on piétine
Il y a des limites à la tuerie à la passion
et même à l’indifférence
L’automne sera dans les frasques de l’été
comme un soulagement s’il déverse
ne serait-ce que des pluies nouvelles
Pourtant si l’on pouvait renaître cela ne changerait
rien : chaque âge a ses douleurs ses morts
qui dansent ses bonheurs lâches
Des fruits éclatent sous la poussée du feu
engendrent des vies nouvelles là dans les forêts
soumises il n’y a pas de défaite possible
le néant n’est pas utile.
19.
J’ai tout exploité jusqu’à la moindre baie des broussailles
Il ne reste rien ni parfum ni suc à tes lèvres
Pourtant tu me résistes encore comme si tu voulais
me rappeler que le temps pousse les choses plus loin
que reste inaccessible à la raison le monde
qui m’enserre de son vivant telle une sphère
verte et bleue quand on ferme les volets
Tu ne veux rien dire
ni sur la durée ni sur la profondeur
J’oscille de joie en peine de guerre en paix
avec la bannière rouge changeante
Toujours rapace voyant tout ce qui peut m’échapper
comme une privation naïve
Dans mon cou pourtant tu me susurres des mots
pareils aux sifflements d’une brise d’été
Je n’ai pas connu autre chose
Je n’ai rien appris de ta clémence
qu’une impatience plus grande encore.
20.
L’aquarelle grise du ciel chargé d’eau
La lumière s’est déposée de tes yeux sur le ciel
comme une auréole d’eau
les nuages l’ont rendue vivante
Mais tu ne vois rien tu n’entends rien
La chute du vivant se fait incidemment sans bruit
comme pour toutes choses essentielles
Tu feras aussi peu de bruit qu’un troupeau d’éléphants
Lorsqu’on basculera dans autre chose
La volonté viendra le moment voulu
On ne pourra plus se méprendre sur mon compte
je serai visible comme on décrypte un ciel
D’immenses toiles sont tendues les vergers
sont couverts de filets les fruits mûrissent lentement
derrière leurs grilles transparentes
On a envie de tout voir de tout lécher
de tout mordre
Mon regard est incendiaire
mon désir et ma vie affamés.
21.
Chaque jour je reprends ma tâche
ma ligne de fuite qui me recentre
j’ai besoin de me rapprocher de quelque chose
qui évoque la satiété
Comme si j’en demandais trop elle me balade
Je contemple la roche rugueuse
l’eau qui s’y infiltre la lumière qui joue
la fée allumeuse la paix des paysages
Nulle part il n’y a de sens
la raison est absente
Les équilibres sont en moi
comme insensiblement un danseur se penche
avec la mort qui grignote ses côtés
Chaque jour un morceau du monde disparaît
et je reprends mon poème – sans raison
par honnêteté envers la vie qui me submerge
de sa vague toujours fraîche depuis le jour
où j’ai trouvé le petit passage
la souricière minuscule et que j’y suis entré
(minuscule moi-même) à ta recherche
et je reprends mon poème
pour me sauver de quelque chose d’inguérissable.
22.
Quand tu cherchais à revenir
Quand tu te glissais entre mes émotions
comme un courant chaud
comme s’il n’y avait pas eu d’hiver entre nous
comme si le temps pour toi ne coulait pas
de la même manière
Pas une seule fois tu n’as été pris de doute
comme si la certitude était ton pas
comme s’il ne pouvait y avoir d’autre trajectoire
que la tienne
Maintenant qu’essaies-tu de me dire encore
dans ta langue qui n’a plus cours ?
Alors que je ne sais plus ni la raison ni les torts
que le temps a tout aplani
Les bosses et les creux
les trésors cachés sous les aisselles
des dieux et derrières tes paupières lourdes
Si tu voyais ça
Il y avait le vent dans les feuilles et le frôlement
de ta main comme une pensée
et cette habitude de cacher ton sourire
quand tu étais heureux
Avec quel soin tu me fais vieillir !
23.
L’animal n’est en sûreté nulle part ainsi nos pas
dans la mêlée laissant des traces dans la neige
On y lit tout passage
On remonte à toute chose
avec une facilité d’enfant
Songe que nous sommes à découvert
privés du feuillage et de l’or en ruban
là-bas à l’horizon - nus comme l’animal
devant le passage de l’hiver
Pourquoi faudrait-il que je me perpétue
que je gagne par-devant la bataille sur le temps ?
Mon nième vers est pour convoquer les trois
arpents de ta mémoire
Ceux sur lesquels tu piétines
incapable de toute décision
Saurais-tu aller en toi par le dédale de ta conscience
chercher ce qui fit de moi ta cible ?
Cet effort jamais nous ne le ferons
trop d’années nous ont préparés à l’hiver.
25.
Tant d’êtres ont passé ici
sur le chemin des mortels
Et il a fallu croire
pour ne pas perdre la raison
pour se fondre dans le périmètre des autres
Ceci est plus qu’un souvenir : une obsession
qui ne se délite jamais à la manière
des nuages obsédés par l’orage
Avec le poids de tant d’êtres dans nos gènes
nous sommes plus vivants que jamais
Les tilleuls ont cette force évocatrice
qui sature l’air entête jusqu’à nous poisser
cela situe les choses dans la rafale de juin
Mais je ne suis plus un enfant
je ne suis même plus un rêveur
j’ai trop peur d’être pris au dépourvu
Je sature l’espace et de mon existence
et de ma peur couverte de parfum
Ni le regard le plus doux pareil à celui
du veau qui ne voit rien en nous de ce qu’il devrait voir
ni le mot le plus tendre que tu as prononcé
ni même le poème le plus fort jamais écrit
n’a arraché une marche au temps.
26.
Avec toi la vie s’est ouverte autrement
autre chose a fait d’elle ce qu’elle est
On s’est rencontré et l’on ne s’est plus quitté
Tu croyais ça
Parce que toi aussi tu as ton mode de pensées
Ta vision du monde
Mais se rencontre-t-on vraiment ?
Tu fais semblant à mes envies
et je peine à te suivre maintenant
Pourtant quand tu t’éloignes
un froid descend des cieux une crainte
d’abandon jaillit de ténèbres qui n’existent pas
J’entends à la manière des animaux de nuit
le moindre mouvement
Maintenant nos pensées sont une vieille demeure
une vieille demeure paisible
Qu’arrivera-t-il demain ?
Saura-t-on comme l’âme de nos chats
rôder entre la vaisselle qui tinte ?
28.
Les champs sont fauchés ne demeurent que
les chaumes durs et secs les lignes silencieuses
et cette couleur jaune si propre à émouvoir
traversés par une route et d’autres champs
par-delà tout pareils à ceux-ci
Pourquoi faire de l’été plus qu’il n’est
une saison qui brûle et qui mûrit ?
Nous aussi avons couru pour plus vite nous aimer
nous aussi avons brûlé et mûri docilement
Nous avons eu l’été de chaque jour le goût du fer
le fruit rouge qui tache et génère la sensation
de l’éternité tant le parfum en bouche y est intense
Et le monde peut tourner Alors il tourne
Que lui importe notre passion pour la vie
notre amour l’un pour l’autre.
Jean-luc ott
Strasbourg, 2023