Poésies Jean-Luc OTT
PARAMETRES
Le temps de l’ajustement
1.
La voix s’impose d’elle-même
en faisant vibrer les feuilles
même lorsque la nuit est sans vent
Pardon pour ce que je ne possède pas
C’est le geste embarrassé d’un muet
dans le vacarme de son silence qui me frappa
sans raison nous nous sommes unis j’imagine
j’imagine quelque chose d’universel
comme le mouvement pour entrer en chaque lieu
sans langue sans corps sans convention
J’étais prêt à franchir le seuil
Toi qui par moi ne te laisses effacer
je suis ta dernière chance l’ultime prolongement
Ce visage d’avant où demeure-t-il ?
À quelle anfractuosité l'as-tu offert ?
J’ai en moi ce geste embarrassé
dans le vacarme de ton silence
Pourquoi avais-tu tant besoin
des paroles que je ne possède pas ?
2.
Il n’y a rien que je puisse te dire
que tu ne saches déjà
le temps perdu
celui qu’on ne retient pas
qui flatte les apparences
qui n’est pas comme un chien fidèle
à dormir aux pieds l’œil plus éveillé
qu’une lumière
Toi le grand vivant
allant et venant
puis allant le terme dissipé
dans le mouvement des feuilles
entre vent d’Est et vrombissements
d’été Tout vire à la paresse
comme un galet plongé dans l’eau
à mi-hauteur
le soleil y joue des scènes radiolaires
pubescentes innocemment érotiques
Longtemps éternellement peut-être
tant que dureront nos jours
Il n’y a rien que je puisse te dire
que tu ne saches déjà
Songe seulement que rien ne dure
aussi longtemps que ce qui est tu.
3.
Je savais que le sentier n’allait plus te restituer
Quand il a commencé à pleuvoir
c’en était fini de l’été
des phrases chaudes sèches élusives
des poussières en feu des piqûres
d’insectes tactiles et
de ma peau toute neuve
Tu habites là-bas désormais
dans ta blessure sentinelle
où tout accès est sans mouvement
Tout ce que je sais est inutile
et ne contribue à aucune science
aucun rapprochement
Dans les erres inespérées
j’ai mis les doigts sans le savoir
une entaille dans le vivier de la chair
comme un enfant je grandis fougère en crosse
dans ce besoin immature et idiot d’être aimé
Y a-t-il un abandon plus grand
que celui qui ne dit mot ?
5.
Dans tes souvenirs est nichée quelque chose
qui nous appartient et à nous seuls
peuvent parvenir ces échos ophtalmiques
de méduses prises entre deux eaux
Comme une veine présente dans la pierre
le temps n’efface rien – Il détermine
Or tu sais bien où nous en sommes :
de leurs filandres majuscules des masses
de silences nous environnent
Où s’arrête le vécu ?
Qu’advient-il de lui une fois qu’il nous a
instruit et sommé de disparaître ?
Je n’aurai pas d’autre existence
pour te le rappeler
Je ne lis pas souvent des choses
qui mènent quelque part
Car je sais où je veux aller
d’où le courant me déporte
résolument et qui se résume souvent
à une distance inébranlable
6.
L’époque est une porte ouverte de la minceur
d’un cil entrent et sortent les âmes
aux paupières closes
elle est lâche de ne rien dire
de l’unique vie de la terre
qui est en mue les gorges sèches
l’œil ébloui le vivant essouflé
Pourtant les planètes nous disent leur silence
électrisant nos nuits quotidiennes
depuis toujours on sait ce que l’on refuse de voir
les espèces savent cela je crois
les enfants aussi
Pas nous ! Ignorants nous croyons
nous croyons par la douce folie du nombre
renverser le cours des choses
Mais là n’est pas dieu
dieu n’est pas nombre parfait
il est acculé à l’existence
comme une arche à l’eau
comme un cerf aux abois.
7.
Il est revenu docile comme une mer amoindrie
le vent dans les cheveux
l’onciale espérance à même la peau
dessinant des courbes d’eau ruisselante
jusqu’à la frontière des sexes des rêves
L’enfant n’est plus ni par le geste
ni par la parole
mais pour la seconde charge
il était trop tôt
celle qui descend dans les pinèdes bleues
par les caillasses pointues comme le sifflet
d’invisibles pies
Nous aurions fini par nous rejoindre là
dans la géométrie des lieux
où se fond la lumière
dans le soir solennel
par le feu
à genoux dans l’assentiment complet
comme on fait seulement par le silence.
8.
Chaque chose dite est circonscrite par la parole
alors qu’elle rayonne de toute part
même par la face que je ne vois pas
Il en va de toi comme de ces choses
ce que je n’ai pas vu n’est pas éteint
ce que je n’ai pas vu t’a pris sous son aile
de feu pour te dérober à mon regard
Tous ces insectes avaient une tête
des yeux des pattes pour te regarder
comme tu les vois pour détaler
comme tu files à la moindre menace
pour te ressembler dans la course
du vivant vers la mort.
9.
La chance a paru comme un bouquet
planté droit dans un vase
dans un trou de l’époque
tout en haut sous les toits
quand nous étions dorés de jeunesse
quand ta nudité ensoleillée devint
accessible comme la science du vivant
Les vers ne dévoileront rien
qui pourrait te blesser
mais ce rien est assis dans le temps
où tu es aussi libre que le son du vent
qui s’insinue par les fenêtres mal jointes
montant jusqu’à nous épiant
tel un voyeur vocalisant ses voyelles
pour nous seuls
Je suis acteur au-delà des mots
par la douceur des gestes des mouvements
des particules électriques qui volent
comme les yeux des saints sur des ailes
invisibles et nacrées et tu mènes ma danse
sans même l’aide d’un métronome.
10.
Qu’y avait-il à lire dans nos mains
que nos yeux n’avaient pas vus ?
Toute chose a une explication
la rondeur tendre de la terre
le sentiment de satiété
le frai des eaux basses du marais
alors dis-moi pourquoi tu n’entends rien ?
L’oiseau ne s’adresse pas à toi
lorsqu’il chante – moi si !
Dans les moments où je me tourne
sur moi-même à la recherche
d’une issue tu n’écoutes pas
La vérité c’est autre chose :
les mots tapis dans le silence
le temps qui s’outrepasse
la peur peut faire douter
le sentiment d’inutilité aussi
Quand face contre le mur
serrés comme deux cuillères
jusqu’à entendre ton pouls
devenir mien
tes côtes dessinées comme à la plume
sont recouvertes d’ans
et d’un destin inespéré.
11.
Devant le miroir entre toi et moi
il n’y a rien pas l’épaisseur d’une certitude
que des questions sans réponses
des affrontements silencieux
comme une forge ajuste le fer
lentement comme une fugue retenue
par le licol des sentiments
En toi le combat s’apaise
en moi les mots trouvent leur chemin
le temps l’un à l’autre nous éveille
Mêmes les pasargades aux lèvres bleues
n’ont pas eu raison de nous les miles
parcourus épuisaient l’apside de ta jeunesse
qui roulait entre mes mains comme une eau
claire comme un breuvage vert
à l’odeur des herbes des montagnes
Et puis le calme après les orages la vie
trouve son éclat derrière des volets
simplement laissés en l’état
On voit scintiller au loin les étoiles
dans un ciel qui pourrait être d’orient
comme lorsque l’on dormait sous les toits
à l’abri de ceux qui auraient voulu savoir.
13.
Je ne vois pas la même chose
ou je vois trop loin ou de pas assez près
selon toi - L’attention que tu me portes
le chemin qui reste à faire
Les maisons basses les arbres sans feuille
biscornus et noirs comme des poiriers dans l’hiver
dans l’air froid qui habille les vitres blanches
Les choses éloignées me tendaient des pièges
potentiellement inertes ou mortes qu’elles étaient
Est-ce qu’on se rencontre jamais ?
On est allé très loin pour cela
Toi à qui toutes les langues sont permises
Moi qui n’entends que le murmure des rivières
quand elles courent vers l’océan tous bras ouverts
quand elles se répandent et se prélassent
sous le ciel le regard absent absorbé par l’univers.
14.
L’inévitable même ce qu’il y a de plus futile
semble inscrit quelque part
et ne te quitte pas
Que représente-t-il sur l’échelle du temps
sur l’échelle de tous ceux qui ont une perception
des mots prononcés
depuis que la parole a pris naissance
Mon poème de tendresse pour toi
ton affection qui jamais ne se dément
nos mots existent
même s’ils ne peuvent rien franchir
en dehors de nous
et ne te rencontreront
vraisemblablement dans leur densité
qu’au lendemain de la nuit
au petit jour de l’absence par le froid
qui se dégage de l’espace laissé vacant
sur le fil qui tranche le lieu que tu as aimé
du lieu que tu redoutes
15.
Le plus beau poème je ne l’aurai pas écrit
ni saisi il est à d’autres
Il est comme la lumière insaisissable
J’ai beau me faire feuille et attendre
que le vent tourne
la promesse ne suffit pas
Le moment aura l’exactitude
de la beauté qui ne pourra plus grandir
que dans le parfum de sa peau un rien
de tristesse aux doigts effilés ligamenteux
en altérera le tissu puisque c’est écrit
J’ai beau me faire colline fardée de cyprès
pointus ma nature reste imparfaite
depuis le sentier aux pignes jusqu’à la ligne
oblique de l’horizon la promesse est inatteignable
Elle attend le moment dans la stase où
s’engouffre tout ce que j’ai toujours voulu dire.
16.
Sa poitrine tachée de son ne m’appartient pas
sans cesse elle se rebiffe comme la mer
détachée de la lune se retire
En un temps record nous joignons
les deux pôles à chaque goulée
Mais seul je retournerai sur terre
A croire qu’elle est faite pour être abandonnée
et qu’il faut être trahi pour que naisse l’amour
J’ai peur de te perdre et pourtant
mon oreille perçoit le son de ta vie
depuis plus longtemps que tu n’imagines
J’entends la transhumance calme et lente
le piétinement la paix des grands arbres
la clarté des ciels pendant que de l’autre
côté par degré descend la lumière
Qu’y a-t-il de toi dans tout cela ?
Suffisamment sans doute pour être prêt
et ressentir l’attraction sous le miroitement
de l’eau au moment où elle nous quitte.
17.
Quand on vient te chercher
l’intime n’est d’aucun poids
même si tu n’opposes aucune résistance
en toi le vide s’est installé
On dit que de se détacher des choses et des êtres
est difficile mais en fait tout est si bref
c’est comme de plonger sans transition
un corps chaud dans l’eau glacée
On vient te chercher et bien évidemment
tu n’es pas prêt ! Quel nom donner
à ce qui se passe si vite ?
Les bruits s’allègent flottant sur l’eau
deviennent lièges imperméables
à l’élément et au mouvement
vers le plus en plus loin
– doté de l’âme d’une île
qui flotte hors du temps
et de toute idée de perspective
tu restes en veille lumineux
puisqu’encore aimé.
18.
Tout ne relève pas du même temps
aujourd’hui c’est le temps de la guerre
qui départage
et c’est bon de ne pas perdre ses repères
Ou tu m’aimes ou tu ne m’aimes pas
avec toi c’est différent c’est plus subtil que cela
Tu peux m’ignorer aussi tantôt une heure
tantôt un jour ou une éternité
et j’apprends ce qu’est le temps
ses allers et venus qui me déposent aux pieds
de ta volonté
La durée de la paix comme la durée de la vie
ne se mesure pas au présent
qui aurait pu se douter ?
Est-ce pour maintenant et pour toujours
que nous changeons d’état ?
Demain nous serons au passé
dans cette paix étendue même
à notre petite guerre
Nous ne gagnerons rien à cela
sauf peut-être du point de vue de la douleur.
19.
Il ne sent pas la douleur
Mais déjà la mort à son odeur impitoyable
le résigne à n’être qu’une chose encombrante
Le vieil étui craque
et ses pattes ne répondent plus comme il faut
De penser encore désormais le fatigue
il pourrait s’endormir n’importe où
dans n’importe quelle position voire debout
Il ouvre encore les yeux mais un vent
a déjà pris place dans son regard
qui se résume à deux petites perles
noires et fixes
Il se laisse glisser dans le courant de l’eau
qu’il ressent très bien même si elle n’existe pas
l’eau n’est pas qu’une image mais une sensation
d’écoulement lent
La vie est fluide langage
Mon chat peut-être se serait endormi tout seul
j’ai beau savoir que la matière a une vie propre
et que celle que je perds était programmée
je ne me fais pas à l’idée de l’abandon
et qu’il faudra marcher seul à rebours
sur le sentier de feuilles et d’épines sèches
qui font que la forêt sent si bon la forêt
alors que l’odeur de sa vieille peau
recouvre encore mes doigts
et l’ensemble de mon être.
20.
Maintenant tu es cendre
qui au premier vent d’Est sèmera
ton impatience
qui au premier orage s’agglutinera
en billes d’eau percutant d’autres poussières
reprises de mouvements
Que n’ai-je un toit au monde
où abriter ma tristesse
On dit qu’il n’y a rien qu’on puisse faire
qu’un dieu n’y suffirait pas
L’organisme a dit sa fin mais je n’entends
rien à l’histoire je ne veux pas comprendre
tout mon être refuse d’entendre
que la fin existe et qu’elle ne laisse
aucun recours
Tu as été récuré comme un jour neuf
on a badigeonné les sols de senteurs vertes
et coulé le béton le monde avance
l’oiseau têtu éveille
le sentier aux pistes millénaires
présent dans mes pores.
21.
La bouche de cet enfant a une langue d’or
posée sur sa langue de chair
comme si elle pouvait enrichir la parole
dans la langue universelle de la mort
Ma langue est plus vieille que lui n’a jamais été
plus personne ne peut la comprendre ni l’entendre
prise qu’elle est dans le métal de l’oubli
comme une barge silencieuse s’aventure
comme si elle affrontait seule les mers
aux calmes étendues
La parole y est bannie ainsi que la mémoire
impossible de se rappeler la beauté
qui se renouvelle par d’autres vies
dans l’indifférence à ton sort
Ma langue pelote démotique est noire
comme celle des anges déchus du ciel
comme celle des ombres portées
de certaines feuilles :
êtres vivants aux mouvements
simples et d’une grande lenteur.
22.
Cueilleur un geste aussi vieux que le monde
dans ce jardin qu’est la vie
Que faisons-nous d’autre que prendre
et recevoir ?
Tout ça tu ne le voyais pas et je ne le voyais pas
Tu m’as donné ton verbe comme un fruit
qui fait que je suis plus proche de toi
que de n’importe qui d’autre
Cela remonte maintenant à la surface
comme un corps ballonné s’allège
et s’inscrit dans le temps long
Je me répands comme un delta se couche
sur son flanc plein des paroles qui te reviennent
puisque c’est par toi qu’elles sont venues
Je n’emporterai ni ne laisserai rien c’est sûr
car ces paroles désincarnées ne valent rien
elles sont comme les pelures d’un fruit
restées sur la table
Tu le sais et pourtant cela ne peut
te résoudre à te détourner de ton chemin.
24.
Recueillement de l’hiver véritablement
lent comme sur les falaises le vent s’obstine
à la rigueur d’autant plus que tu restes
impassible
Les autres saisons ne sont que vantail
aux couleurs vives
aux chairs exposées
Je ne suis nulle part
et compte demeurer loin
des accablements de l’amour
du feu de la première foi
celle qui peignait des anges ou des yeux
sur chaque surface lisse pour ne rien
laisser au vide au hasard
à la tentation
S’il est vrai que le froid apaise
la brûlure sans cesse nous la redemandons
elle est comme l’amour qui nous ouvre les yeux
plus grands que les bouches ne peuvent crier
25.
Je ne sens ni la terre sous mes pieds
ni le ciel dans ma tête
Je suis dans l’entre-deux
parmi les courants influençables
Je suis éveillé à la vie plus solidement
que l’avoine dans le vent chaud
avec dans la bouche le goût de survie
sucré des îles
Indifférent à la nuit
comme l’oiseau l’œil rond et résigné
poursuit sa couvée – inébranlable
Dans mon corps je suis bien planté
programmé pour la lutte
contre chaque seconde qui me désagrège
Qui ne connaît le chant
ne connaît la vie de l’équilibre
des mondes de dedans et de dehors
l’allégresse et la tristesse authentiques
ignore la communion avec l’existence
qui chaque seconde nous désagrège.
26.
Où que tu ailles jamais tu ne te retourneras
Se retourner est propre à ceux
qui ont de la mémoire
et ta mémoire est comme un terrain
vague tourné vers l’oubli
Là rien ne retient plus ton attention
ni la lumière qui vient de toute part
ni l’herbe figée des prairies étendues
où le « nous » n’a plus aucune sorte d’importance
Jamais la parole nous a ainsi tenu à distance
Pourtant j’aimerais te dire encore
une chose essentielle
Que veut dire être loin ?
Où demeure ce temps lointain ?
Je n’ai pas une grande notion
des distances ni du temps
Nous parlons depuis tant d’années
usant de cette langue des signes
qui a besoin d’être vue
Je raconte ça à mon animal
qui partit hier à ta rencontre.
27.
C’est l’hiver qui s’étire dans ce gris de pitié
dessèche les branches nues
ramollit les herbes gonflées de vielle eau
immobile
La patience des choses est inouïe
Rien ne m’oblige à vivre dans l’écriture
où il n’y a ni raison de vivre ni raison
de mourir
ce n’est pas comme être à la guerre
Comme les traces mènent et trahissent
le chemin par petites touches j’en donnerai le sens
mais je voudrai tout reprendre depuis l’origine
que ce serait impossible
je me heurterai forcément au fleuve
dont l’eau est partie
L’histoire devait se dérouler sans fin
dans une espérance tranquille
c’était sans compter qu’elle veut être à nouveau
revivre tout comme les hommes.
28.
Là quelque chose respirait
comme un petit animal que j’avais
et c’était en lisière de champ un chemin
qui s’ouvrait comme marchant
dans la sécurité de l’enfance
que l’on croit pouvoir prendre
indéfiniment alors que la lumière
y est distribuée à l’aune
de ce que l’on ignore
Le temps de te faire rougir
le temps de t’aimer
de se rendre compte de la beauté
et de l’apprendre un peu
Toutes ces sangles qui t’immobilisent
sont des souvenirs qui m’appartiennent
maintenant tu n’es plus rien sans moi
J’ai gagné
J’ai gagné sur la lumière
une bataille sans effort :
J’ai toute ta nuit pour temps.
29.
Tu crois construire là où rien ne résiste
tes mains sont inusables
ta pensée poursuit sans cesse
des désirs nouveaux pour te maintenir
dans la course
mais rien ne change
seulement ton regard
seulement ton corps qui s’essouffle
et se calcifie chardon aride
raidi qui roule sur le champ nu
au vent sifflant comme dans une charogne
Tu crois descendre un fleuve
alors que l’eau ne parle en toi
qu’une seule fois
Fier tu ne me demandes rien
bien que je t’offre des paroles pleines
d’une eau qui te soit familière.
30.
L’amour n’a jamais déplacé de montagne
ça se saurait
J’ai beau braquer mon regard dessus
aujourd’hui elle ne bouge plus
reste secrète
J’ai beau voir les sommets blanchir
puis verdir les nuages furtivement
passer comme les morts dans les vestibules
de la mémoire le soleil tomber dru
sur les après-midis comme des dimanches
sans fin Tu ne diras rien
les choses passées te répugnent
J’ai beau voir que tout passe
et me sentir seul concerné
ça me fait toujours le même effet
de voir ce que les autres ne voient pas
L’amour n’a jamais déplacé de montagne
ni inversé le temps
C’est par moi que tu existes encore
bien que rien n’ait pu bouger
ta volonté.
Jean-luc ott
Strasbourg, 2023