Poésies Jean-Luc OTT
LE TEMPS NE COMPTE POUR RIEN
Extraits
1.
Je veille comme au côté d’une âme encore chaude
longtemps les lumières ont glissé le long du mur
Les portails du temps ont les bras ouverts
et laissent tout passer nous sommes inclus
dans l’avant et l’après avec les sédiments de la mer
J’ai créé les lignes de ta main les cannelures
singulières de ton empreinte digitale
quand il n’y avait plus personne
Pas une œuvre un simple partenaire de je
pour le combat du présent
Parce que dans ce monde il faut avoir sa place
je t’ai créé avec encore moins d’ambition
qu’un anonyme alors que j’aurais été si bien
sans toi à regarder la vie dans l’avant
parfaitement dégagé des choses de l’âme
Mais je t’ai créé je t’ai créé d’un rien
comme on prépare la terre en attendant
que tombe l’eau comme on y enfouit les mains.
2.
La solitude ouvre ses trappes grises
je reste assis sur moi-même replié
comme les pattes d’un animal à naître
Des versets nouveaux jaillissent à chaque époque
des ourlets de feuilles des flores insensées
des ornements lancinants et de certitudes
qui recouvrent toutes choses réfutables
La volonté d’en découdre puis en rester là
On a trop de désaccord
pour qu’il soit possible de s’aimer
Par nécessité j’émigrerai de partout
sans être attendu comme l’oiseau
de nulle part comme s’il n’y avait plus de destinée
mais seulement des points de chute
j’en appellerai à la clémence
car rendre neuves toutes les parties du monde
et raviver les paroles de toutes les langues
restent hors de ma portée
3.
Je suis triste à ne pas voir les choses
en face la dessiccation enflammer les bois
comme si ta joie à mon égard s’était asséchée
subtilisée pour n’être qu’une essence rare
un substrat élémentaire enfoui
dans les strates des possessions
J’ai su le prétérit de ta langue
qui se conjugue au passé parmi les jouets
remisés les boniments pour convaincre
et ta joie sans conséquence
je suis triste sans façon
Peut-être ne sais-tu pas que je te regarde
que je te sais indifférent aux choses essentielles
Ta vie est si éloignée de la mienne qu’il
conviendrait de plier le temps comme une tôle
pour en dénouer l’orifice le sortir
de l’endormissement des eaux
Pourtant c’était à peine hier
dans le périmètre de ta jeunesse
parmi les choses que je savais nommer :
Yeux nez lèvres dents et le chemin à parcourir
sur les caillasses jettées là par d’autres
A ce stade ton nom importe si peu.
4.
Certains jours se démentent comme un coup de froid
sur des feuilles qui ballottent d’un luxe de givre
Vers d’illusoires Jérusalem la cohue des routes
les chemins encombrés de luttes de vie de foi
comme les buis sombres combattent pour la lumière
Des pieds innombrables mettent la poussière en feu
quelle cohue devant et derrière - La foi est pleine
ou bien enflée d’un désespoir plus grand que la mort
Que ces enfants sont sales ! Jamais ils n’approcheront
ainsi les côtes de gypaètes – La mer ne les guide pas
les convoite plutôt et ne leur refusera aucune sépulture
C’est l’ordalie des saisons chaudes quand les seigles
sont secs et durs les blés dans les creux du ciel
Il faudrait un port ici avant que ne s’ouvre la mer
5.
Il pleut de fines gouttes s’infiltrent
pour transir les phalènes du doute
Les regards ne distinguent que des reflets
bleus qui tanguent comme d’ardentes chapelles
dans le ciel trempé - Tout est moite fétide
De grises serpillières pendent des nues
et rendent absentes les couleurs et les rêves
Quelques-uns sans nom devant l’incertitude
sont rendus nains par l’argonaute improvisé
les yeux rivés aux parois rocheuses
comme d’orphelins mollusques buvant l’humidité
à même le jour naissant et l’obscurité sue
des pores agrandis de l’attente
Une main immense essore les barques pleines
du grand déluge à la manière d’anciens dieux
jusqu’à la vague séditieuse qui les dépose comme un limon
6.
Paré de loques scintillantes
dans une anomalie du décor
ramassé sur lui-même comme une balle
de varechs secs et de brindilles roulées
D’un trou dans le feuillage
s’échappe le regard que l’on craint
de saisir au vol comme une malédiction
C’est la spirale de l’échec
c’est l’ombre qui se fait ombre
sans yeux sans forme sans parole
et ce temps dure longtemps
Il faut des allures fières
et un courage fou pour défier la loi
des hommes et venir pondre ici
un espoir si vain
On a beau tendre l’oreille
son corps ayant peur d’être vu
pas même ses pattes d’oiseau
n’attirent les âmes au dépourvu
ni des mouettes l’attention.
9.
La terre est dure pierraille
seul l’olivier au pied variqueux joue à l’immanence
dessous le ciel tout en lumière éclatante
Les poids lourds sortis de nulle part déferlent
du sud chargés de fruits encore verts
comme une chaîne obstinée de fourmis laborieuses
et les êtres suivent à pied cette horde sauvage
en ribambelle décolorée par la suée du ciel
La boussole est aimantée aux légendes nordiques
où se mêlent les langues qui n’ont aucun
mal à se comprendre mais s’ignorent
dès que le soleil est levé.
10.
Quand nous traversions les villes
elles murmuraient notre joie
nous étions nés d’elles
et tu avais la clé pour chaque chose
quoi de plus beau que cette vie
Le vent dans les feuilles du peuplier
le clapotis de l’eau
la respiration et le pouls lents
des corps tout cela hors de toi
restait beau
Je ne vois pas le ciel s’assombrir
ni l’été prendre fin je sens encore
le picotement du soleil
sa clarté éblouir ma vue
et ton bonheur à mes côtés
le flux de l’arbre des racines
au sommet m’enhardit
comme un éveil à la lumière
Si le sommeil vient
je n’aurais pas à fermer les yeux.
11.
Là-bas ici cela n’a pas d’importance
puisque cela est possible partout
avec un peu de juin et l’odeur envoûtante des tilleuls
la passion crûe d’un rien juste parce que
le moment était venu de renaître
Alors tu es partout rayonnant
après le long détournement comme si
la joie t’était venue de la rencontre même
Tu es partout même si tu es perdu
dans l’incalculable temps qui n’enlève rien
à ta jeunesse volontaire impatiente de revivre
Mais que reste t-il au fond ?
Puisque je n’existe plus pour toi
L’amour ne sait rien des pluies de pétales
des jonchées de feuilles sèches
L’odeur a changé d’abord subtilement
puis s’incruste dans la profondeur des chairs
juste comme si un hiver s’y était lové
s’y était perdu à tes côtés.
12.
Puisque tu te tais
je me satisfais de ce silence
cramponné comme un fidèle à sa foi
Je m’en tiens à ton néant
et me trouves pris au piège
dans les feux d’été
Mon horizon est lumière
Qu’est la couleur après l’éblouissement ?
La vie vécue n’est pas du temps qui passe
ne se compte pas en heures ou en veilles
mais en incendies.
13.
Dans le ciel de novembre des milliers
d’étourneaux décochent une trame
gigantesque d’un geste ondulant de mage
J’ai toujours cru qu’on viendrait me chercher
comme on cherche l’âme sœur.
Les lumières bleues des ambulances
ne cessent de passer – des souffles
s’éteignent comme les sons des campagnes
Je n’en suis pas encore aux synthèses
aux rouages squelettiques des systèmes
J’ai besoin de croire encore aux paroles vraies
aux visages charnus des jeunesses
La multitude d’oiseaux s’est mise en toi
ton corps jeune avait la profusion des langages
Qu’attendais-tu ainsi armé de mots ?
Alors que ta patience n’était plus en mesure
d’entendre ni de vouloir
Ce n’est pas rien de taire le feu
qui n’épargne rien puisque tu es l’incendiaire
et le feu et le désastre en toute unité
Les mots ne sont pas langages univoques
ils répandent seulement confusion
donne sens parfois au désir et à la lumière
embrase pour qui sait entendre et dispose
du temps nécessaire absolument
tout ce qui te manquait
14.
Nos jeunes années ne confessent rien
se condensent en ce que tu fus : disparu
Tu n’hésites jamais que lorsque
tu me souris au-delà des genres de choses
qui nous échappent tous deux
Je n’ai rien su te dire mais je m’exaspère
de te voir voler autour de cet astre froid
comme un anneau de saturne fait révolution
Mon monde existe : ce que nous ne sommes pas
je guette une chute quand tout devient petit
saisissable très très loin dans le temps
Deux choses peuvent se rencontrer
se heurter en choc vital mais promettre
promettre pour une vie infinie
n’a jamais eu de sens en ton nom.
16.
A jamais je suis jeune par le simple esprit
au point de savoir que le trait de ce corps
est inscrit en moi comme le croquis primordial
Il n’y en aura pas d’autre
puisque tous les autres sont issus de cette gangue
En cela tu n’as pas de mémoire
tu n’es qu’un corps sans devenir
immuable comme la terre
réceptacle de choses mortes :
Première canicule jeunesse et nudité
et d’un torrent la joie qui fracasse
Et j’ai aimé mon semblable
avec la conviction de tout perdre
L’été s’est nourri de moi avec le feu
du désir avec le feu de la puissance
car c’était mal je m’en souviens de paraître
intouché par le mal alors qu’il n’en était rien
La mémoire est intacte et le corps un peu
Tout ce qui est perdu y est enfoui :
toi la matière malléable et sereine
ce pays des luxuriances
fait pour les âmes perdues.
17.
Jusqu’où aller au plus profond de soi
chercher ce qui n’a pas le pouvoir d’apaiser ?
S’y trouvent les clochettes de ce bonheur
qui ne parlent qu’aux égarés aux somnambules
quand ils marchent sans voir qu’eux seuls
ne dorment pas
T’embellir
Je savais exactement ce qui pouvait te convenir
et ne le disais pas et ne le faisais pas
quand il te fallait de l’immédiateté
là te permettre d’entrer dans le présent
en reconnaissance pas juste en plaisir
je restais sur mes gardes comme un chat échaudé
Pour moi ce présent n’était rien Ce que je voulais
c’était m’inscrire dans le temps nous perpétuer
je ne savais pas
que tu allais me le donner pour t’embellir
Ce que je ne t’ai pas donné je resterai longtemps
à te l’offrir en échange pas en regret
Quand je te raccompagne la nuit à vélo
dans la fraîcheur de la nuit qui sent la terre
je sais que tu me raccompagneras à ton tour
car nous quitter est impossible.
18.
L’odeur béate du figuier se répand au soleil
passe les haies les pierrailles et les fissures
des maisons tavelées de taciturne
Ma demeure est là où sommeille la pierre
au chaud
où les hivers sont des paroles basses
chargées de confessions aussi vieilles
que les chapelles nues
des ruines jamais endormies.
19.
Des messages j’en ai envoyés
par tous les ports de la terre
quand le froid est sec le ciel dégagé
est un boulevard
quand l’air est humide et chaud
plus trempé qu’une literie
la phrase se gonfle s’évapore
se dilue dans l’espace
comme si elle n’avait pas été
Tu m’ignores.
L’ère n’est pas aux échanges quoiqu’on dise
je n’ai pas fini de croire au pouvoir des mots
en pensée mais en vérité jamais personne
n’en pense rien jamais personne ne répond
Il ne m’est pas donné de voir
plus loin dans le fond des choses
Il ne m’a pas été donné d’être
celui qui enchanta ta vie
20.
Tu n’es jamais venu et la serre surchauffée
où glisse le soir macère dans l’inquiétante lumière rose
Revenu serait plus exact car tes yeux
ont vu la profusion des verts l’exubérance
du printemps lorsque les odeurs prennent corps
lourdement comme après l’effort
car ta voix s’est frayée l’occasion jusqu’à moi
prenant le trajet direct jusqu’au point d’eau
pour s’y plonger toute nue désarmante
Pas de promesse pour autant la chose
est entendue. Tu n’es inscrit
dans aucune aventure et nos habitudes
de consommateurs nous sont étrangères
Il n’y a pas de trace ici
les choses n’en laissent pas
Sommes-nous réellement venus ?
Rien ne l’affirme en vérité la nature y est
tout aussi indifférente
La certitude peut être mensongère
tout est question d’implication en fait
cela ne change rien au démembrement des biens
pour toi l’usufruit pour moi la nue-propriété.
21.
Nuits douces - juillets aux néons
couverts d’insectes noctambules échappés
de ta bouche et croire que tout est joué
qu’il suffise de s’emmurer vivant
dans l’été pour rester fidèle à leur sort
De n’être pas lu ne m’oblige en rien
à aucune trahison
je suis attentif comme une murène embusquée
et je vis bien dans les eaux ternes
comme les poissons transparents des os
errant sur des colonnes d’air
reliées aux grandes profondeurs
Je sais ce qui les agitent encore
La lumière pénètre les yeux à l’aveugle
ouverts ou non visière rabattue ou non.
S’y soumettre relève d’un tout.
22.
Toi qui vécus tout autre chose
que sais-tu de moi ?
J’ai usurpé ton bien
non pas ton image
celle-ci a pris bien des formes
dont j’ignore tout mais ton empreinte
celle qui marche d’une façon insistante
dans ma mémoire
Tu peux rester dans ton lointain
au-delà des limites captives
nous n’avons plus rien à nous dire
Moi je converse avec le cercle qui fut chaleur
la tache qu’on ne distingue qu’avec expérience
dans le relief et le bruit passif de la source
J’arrose d’heure en heure
je me fais une tâche d’arroser
tout ce qui boit et change de forme
pour préserver en moi
ce besoin assoiffé d’être.
24.
Tu as plongé en moi
comme un astre se couche
toute flamme rougeoyante absorbée
là ta course ne s’arrête pas
se poursuit transperce la mer de silence
comme une baleine grosse
d’un chant de désarroi
Je ne sais rien
je reste à l’unisson de ce monde ancien
indifférent aux autres
sourd à la grande plainte qui sourd
à la cacophonie des raisons
déhiscent
du simple mouvement d’un fruit.
25.
Les angoisses de l’époque passent au-dessus
de moi comme des nuages très hauts
la place est prise le décor est planté
Il y a en moi une apparence de calme
un lac qui grandit et pousse les parois intérieures
de ses mains de racines affamées
Ta voix y résonne distinctement
si calme elle demeure aussi familière
qu’une pente douce qui mène à la maison
Elle ne se fatigue jamais se renouvelle sans cesse
fervemment en des conversations amuïes
d’insectes faites de simples vibrations
D’âge en âge elle prend la forme qu’elle peut
C’est ma seule chance d’engendrer
une chose à mon tour
que d’en propager le son.
26.
Il se peut que tu t’abîmes dans le temps
Tu ne ressembles plus à rien
puisque les rires ont cessé
et que tout l’horizon s’est couvert de dunes
où les sables volent dans les courants d’air
ruissellent sauf-qui-peut
dans les pentes à peine nées
fragiles comme les sentiments
Le soir tombe et tu t’infiltres évanescent
parmi les ombres je ne cherche pas à t’atteindre
puisque les ombres reculent comme des oiseaux
de dunes au fur et à mesure qu’on avance
Il se peut que pendant longtemps
nous ne nous disions rien
La nuit bientôt sera aimantée
par les yeux profonds de la mer
et il faudra que je me rebelle
que je sache le faire
car je sais que tu ne me suivras pas
que ta vocation est d’être indifférent
à l’âme même.
27.
Peut-être ne sais-tu pas que je te regarde
que je te vois
à travers tant d’années
comme à travers une vitre claire
Toi ta vue est opaque
car je suis perdu en toi comme si
tout n’avait été qu’un courant d’eau
La chance c’est d’avoir vécu cette vie
autrement qu’en actions qu’en paroles
comme une colline objet d’aucun regard
mais qui est là dans la permanence
du paysage
Elle ne serait pas autre chose
dans ta vie qu’une tension dans ta jambe
lorsque tu piétines l’herbe
Mais l’herbe est haute désormais
les fleurs sont sauvages comme si
rien jamais n’avait été autrement.
28.
Dans le ciel renversé de l’étang
les duvets des arbres s’égaillent comme des flocons
de neige qu’on aurait retenus
La teinte n’est plus chaude comme elle l’était
dans ma mémoire
lorsqu’il y avait là les rires d’enfants
Le temps n’est jamais là où on l’attend
ni le courage
mais ici pas de grande peur glaçante
ici la bataille se perd aussi par abandon
Je ne suis jamais revenu en cet endroit
où les voix sont des conciliabules
d’insectes dessous le clapet des chaleurs
et l’affaissement des eaux
Il n’y a que le clapot du coeur qu’on entend
et l’immobilité presque physique des lieux
Il n’a pas plu depuis que je suis vieux
c’est-à-dire depuis le lendemain
où je t’ai désiré si fort
Imprenable est la forteresse du temps
qui me laisse indésiré
de la mort même.
29.
Tout refaire et se coucher dans le même lit
pour la même durée provisoire
Les pas dans les pas la trace
jusqu’à la prochaine pluie
c’est ainsi que je me retrouve à te suivre
encore une fois.
Je sais je me suis trompé
à vouloir revenir sur quelque chose
prendre une transversale
où croissent les narcisses par milliers
là quand le printemps commence
et qu’il est certain que le climat
sera propice
Pourquoi juste ne pas être sûr de toi
avoir ta confiance animale
et comprendre qu’il est inutile
de parfaire ce qui a été.
30.
Les moineaux en nuée piaillent là-bas
dans l’enfance des champs
que reste t-il ?
Je me regarde et ma vie me regarde
les deux sont étonnés
Qui a osé faire le premier pas capricant
résolu usant tout sans savoir jusqu’où aller ?
Toujours à contretemps nous crions en nous
sous les ormeaux la lassitude du silence
viennent les lenteurs les dégoûts les peurs
installés dans le pouls des veines bleues
Il pompe ce cœur en sursis
plus vite à tes côtés là dans le silence des ormeaux
peuplés d’autant de feuilles agitées
que d’images enfouies en nous
La vieille machine monnaye sa besogne
ma joie est dedans mon bonheur est dedans
ma peine est dedans ton monde aussi
Tout ce qui me regarde est sidéré du peu
que cela fait dans le dépôt du temps
31.
J’ai beau penser écrire
personne ici ne peut m’entendre
il y a trop d’agitation partout
en dehors de toi
le temps n’est pas suspendu
à mes pieds un vertige de silence
habille l’interstice des mots
J’ai devant moi la lumière du ciel
nous communiquons d’un pan de clarté
à l’autre - parfois tout se mêle -
chacun possède sa réalité
et rien n’est sûr
Ce que j’ai dit a vécu
le reste est beaucoup moins sûr
Qui veille ainsi sur ce que j’ai à dire
à tes seules oreilles ?
32.
Ce n’est pas toi que je cherche mais l’autre
celui qui avait le pouvoir et la volonté
qui répand à mon sommeil ce qu’il y a
de plus agité et d’inquiétude dans la nuit
et qui repousse sans cesse
comme le chiendent des boulevards
Toi qui as fait ma solitude
et qui ne te souviens pas
Quelle ironie !
Impossible de ne rien laisser derrière soi
l’humain étant ce qu’il est
C’était au tout début quand il y avait encore
une alternative à la passion
Aujourd’hui après les saisons caniculaires
impossible de savoir ce qui va survivre
dans ces terres ingrates ou ressusciter
Si tu ne te souviens pas personne mieux
que moi ne peux savoir ce que j’étais
ce qui a fait de moi ce que je suis
et à qui je le dois.
Strasbourg, 2022